mercredi 8 février 2017

Le projet rucher école de Bertrand Abraham

PROJET DE RUCHER ECOLE A MAYOTTE



I ETAT DES LIEUX DE L’APICULTURE LOCALE

II UN RUCHER ECOLE POUR QUOI FAIRE ?

III ELEMENTS DE CAHIER DES CHARGES

I ETAT DES LIEUX DE L’APICULTURE LOCALE


Absence de tradition apicole et destruction des abeilles
De manière générale, à Mayotte, l’abeille est plutôt redoutée, mal connue… et donc mal aimée ! Les services qu’elle rend en tant que pollinisatrice ne sont pas ou très peu reconnus, y compris par la population rurale. Par contre le miel local est un produit recherché, très rare et…très cher !
La cueillette de miel n’est pratiquée que par une poignée de personnes âgées, qui savent encore prélever des rayons de miel sur des colonies sauvages, sans les détruire.
Mais la pratique malheureusement la plus répandue consiste à mettre le feu pour faire fuir les abeilles, avant de prélever le miel. On retrouve ensuite les rayons de couvain et de pollen calcinés et jetés au sol. Associée au prix élevé du miel et à la surpopulation, cette pratique ne cesse de se développer, menaçant à terme la survie de l’abeille à Mayotte.
A l’inverse de l’Afrique ou de Madagascar, il semble qu’on n’ait jamais construit de ruches traditionnelles à Mayotte, ni d’ailleurs dans l’archipel des Comores. Ainsi il n’existe pas de mot en shimaoré pour dire « ruche ». Il n’y a donc aucune tradition de domestication de l’abeille locale du côté des humains… et aucune habitude d’être manipulée et encore moins enruchée du côté des abeilles.
Il faut signaler également des problèmes de sécurité des ruchers, dans un contexte local de plus en plus tendu : vols, dégradations « gratuites », jets de pierres sur les colonies sauvages, brûlis non maîtrisés…


Une abeille locale remarquable…
Communément appelée « abeille noire de Madagascar », ou apis mellifera unicolor, elle a été très peu étudiée scientifiquement. On ignore par exemple si, comme à Madagascar, on retrouve deux écotypes différents, l’un plutôt présent en plaine, l’autre davantage en altitude, ou bien si l’abeille de Mayotte (et plus généralement des Comores), constitue en elle-même un écotype particulier.
Contrairement à Madagascar ou La Réunion, l’abeille locale n’a fait l’objet d’aucune hybridation avec les races européennes plus productives, mais aussi plus sensibles aux maladies et moins adaptées au climat tropical.
En plus de constituer une réserve de biodiversité pour les générations futures, notre abeille reste donc pour l’instant exempte des maladies et parasites qui affectent ses congénères presque partout dans le monde : varroa, loque américaine, nosémose, etc.
C’est une petite abeille plutôt douce, extrêmement bien adaptée au climat local qui est fait d’une alternance de saisons très sèches et très humides. Elle résiste autant aux fortes chaleurs qu’à un taux d’humidité très élevé.
mais difficile à domestiquer !
Une des particularités d’apis mellifera unicolor est la tendance à la migration. En cas de sécheresse, d’exposition à la pluie ou de dérangement, l’ensemble de la colonie peut déserter, même en présence de couvain. Son caractère plutôt sauvage, rend par ailleurs les enruchements difficiles.
Pourtant, depuis un couple d’années, encadrés par Jean-Pierre PAPY, un enseignant du lycée agricole de Coconi, quelques apiculteurs originaires de Mayotte autant que de métropole, se sont essayés à développer l’élevage de notre abeille sauvage : formation d’apiculteurs amateurs, formation d’exploitants agricoles, transmission de savoir informel…
Début 2017 une petite vingtaine de ruches peuplées sont recensées, principalement grâce au piégeage.
Les difficultés rencontrées ont été synthétisées grâce à la création d’une association d’apiculteurs créée en novembre 2016 :
  • Faible taux de réussite des enruchages d’essaims sauvages
  • l’abeille ne construit pas sur les cires issues du commerce
  • faible tenue au cadre, tendance à la dispersion dès l’ouverture de la ruche
  • absence de standardisation des ruches construites localement
  • désertions fréquentes en cas de dérangement, même en présence de couvain
  • pas ou peu de construction dans les hausses
  • faible productivité des colonies en ruches
  • méconnaissance des périodes d’essaimage (et surtout de présence des mâles)

En résumé, il existe une dynamique collective naissante, mais aussi, en l’absence de résultats, un risque de découragement des apiculteurs amateurs, ainsi que des exploitants agricoles qui se forment dans la perspective d’obtenir un complément de revenu significatif.



II UN RUCHER ECOLE POUR QUOI FAIRE ?

La création d’un rucher école semble bien adaptée pour répondre aux besoins des apprentis apiculteurs de Mayotte, ainsi qu’à la préservation de l’abeille locale. Au vu de la situation actuelle, ses missions pourraient être :

  1. LA SENSIBILISATION DE LA POPULATION
2) LA FORMATION ET L’ECHANGE DE SAVOIR
3) LA MISE EN COMMUN DE MATERIEL DE PRODUCTION
4) L’EXPERIMENTATION ET LA SELECTION
5) L’AIDE A LA PROFESSIONNALISATION


  1. La sensibilisation de la population
Il s’agit de diffuser un certain nombre d’informations et de recommandations sur les thèmes suivants
  • l’importance de l’abeille en tant que pollinisatrice
  • l’intérêt d’avoir une abeille endémique non hybridée et exempte de maladies
  • le danger des pratiques de destruction pour prélever le miel
  • l’impact des brûlis sur les abeilles
  • la possibilité de récolter du miel par l’élevage en ruches

Ce travail peut se réaliser sous différentes formes : exposition fixe et itinérante, interventions auprès du public scolaire, communications en direction du monde agricole…


  1. La formation et l’échange de savoir
Activité traditionnelle des ruchers écoles, la formation est généralement délivrée par des apiculteurs confirmés, à destination d’apiculteurs amateurs débutants, regroupés par niveaux. Chaque niveau bénéficie le plus souvent de 2 ou 3 demi-journées de formation par an.
Niveau 1 : les bases théoriques, les outils, l’enfumage, l’ouverture, l’observation de la colonie, la récolte, l’identification des maladies
Niveau 2 : multiplication par division, recherche et marquage des reines, fabrication de cire
Niveau 3 : élevage de reines (greffage)

Le suivi et la diffusion des travaux scientifiques passés et à venir, pourra également faire partie des missions du rucher école. En particulièrement au sujet d’apis mellifera unicolor, et d’un possible écotype local.

  1. La mise en commun de matériel de production
En métropole, cette activité n’est pas nécessairement associée aux ruchers écoles. A Mayotte, elle semble s’imposer pour trois raisons.
-Tout d’abord la difficulté à faire venir du matériel, le coût élevé du transport et des taxes.
- Ensuite ce matériel commun contribuera à la standardisation des modèles de ruches, et donc des cadres, pour la manipulation, les transvasements, l’extraction. L’objectif n’est pas que tout le monde ait les mêmes types de ruches, mais au moins que toutes les ruches de type « Langstroth », par exemple, fassent la même largeur!
- La troisième raison est que la présence de matériel performant au sein du rucher école, permet de créer une dynamique de partage de savoir entre des apiculteurs qui se retrouvent pour l’utiliser.
Le matériel de base :
-un extracteur motorisé accueillant le plus de standards possibles
-un bac à désoperculer
-des maturateurs avec vannes pour la mise en pot
-une machine à fabriquer des feuilles de cire (« gaufrier »)

Un petit atelier de menuiserie permettant de fabriquer des ruches et des cadres à des formats standards serait également d’une grande utilité.


4) L’expérimentation et la sélection
L’expérimentation consiste essentiellement à mieux connaître le comportement de notre abeille endémique dans une perspective de production de miel. Comment limiter les désertions, améliorer les enruchages, quelle taille pour les grilles à reines locales, quelles sont les périodes de fécondation, la durée d’activité optimale des reines, etc. ?
Au vu du peu de connaissances dont on dispose au sujet de notre abeille, ce travail est très important. Il peut se dérouler spécifiquement au rucher école si l’on dispose d’un technicien adéquat, ou sous forme d’un programme conduit par plusieurs apiculteurs locaux, mettant en commun, validant puis diffusant leurs progrès techniques par l’intermédiaire du rucher école.

La sélection est une approche qui consiste à « améliorer » une race locale, par reproduction systématique des caractères que l’on souhaite favoriser. Il n’y a pas hybridation avec une autre variété, mais au contraire préservation de celle-ci. L’exemple le plus connu est sans doute le « sauvetage » de la petite abeille noire bretonne, à partir de colonies retrouvées sur l’île d’Ouessant qui n’avaient pas encore été au contact d’abeilles hybrides. En multipliant les colonies à partir des meilleures reines de cet écotype, et en saturant de mâles leurs ruchers de fécondations, les apiculteurs ont réussi à la rendre plus productive et plus douce, tout en préservant ses caractères d’origine (rusticité, résistance au froid et à l’humidité…). Si ce travail est conduit sur Mayotte, il permettra peut-être de préserver l’espèce locale, tout en favorisant le développement apicole.
Sinon, il est certain que les apiculteurs mahorais finiront un jour ou l’autre par faire venir d’Europe ou de La Réunion des reines hybrides « domestiquées ». Leur descendance ne mettra que bien peu de temps à faire oublier notre abeille endémique… et tant pis pour les générations futures qui devront en gérer les conséquences en terme de maladies associées et de perte de la biodiversité.
En métropole, de nombreux ruchers écoles constituent ainsi des réservoirs de reines locales sélectionnées au fil du temps, qui peuvent ainsi être données ou vendues à leurs adhérents. Le cycle de reproduction de l’abeille n’étant que de quelques semaines, le travail de sélection peut très rapidement porter ses fruits. A Mayotte, les points à travailler pourront être par exemple : limiter la désertion, accepter la mise en ruche, améliorer la tenue au cadre et la production de miel.


5) La professionnalisation
Tous les points évoqués ci-dessus pourront contribuer à une professionnalisation de quelques apiculteurs locaux. On peut distinguer trois types de « candidats » :
-des exploitants agricoles qui se forment dans la perspective d’un complément de revenus
-des personnes qui souhaitent se reconvertir en tant qu’apiculteurs.
-des jeunes qui pourraient s’insérer dans la vie active par l’apiculture.

En dehors des aspects de formation, de mise en commun de savoirs et de matériels, d’expérimentation et de sélection, le rucher école peut contribuer à moyen terme à la professionnalisation de l’apiculture mahoraise  en favorisant la commercialisation et la labellisation.
A court terme, l’accueil de stagiaires et la présence d’une petite boutique au sein du rucher école, semblent des objectifs accessibles.



III ELEMENTS DE CAHIER DES CHARGES

1) La composition du rucher école :
Le rucher 
La taille minimale du rucher est d’une douzaine de ruches peuplées, sans compter les ruchettes d’élevage. Etant donnés les différents types de ruches présentes sur l’île (Dadant, Langstroth, kenyannes, Warré…), il en faudra sans doute davantage à terme.
L’espace dédié aux ruches devra être le plus plat et le plus vaste possible, de manière à pouvoir travailler et circuler aisément entre les ruches et derrière elles. La surface nécessaire minimale du rucher proprement dit est de 300 à 500m2, selon la configuration du terrain.
La présence d’arbres, ou d’ombre même artificielle, est une autre nécessité si l’on ne veut pas favoriser les désertions.
Le terrain devra être bien drainant, de manière à ne pas avoir à travailler dans la boue en saison des pluies.
Enfin, Il importe de prévoir une distance minimale de 150 à 200 m entre le rucher et le reste des installations, pour les moments où les abeilles se mettront en colère ! Cette distance ne devra pas être trop importante non plus, car il y aura du matériel à transporter entre les deux.

Les espaces de travail et de formation
La miellerie est un espace que l’on doit absolument pouvoir fermer hermétiquement (le miel attire les abeilles !), carrelé et disposant d’un point d’eau chaude pour le nettoyage du matériel. Il s’agit du matériel de base nécessaire à l’extraction : bac à désoperculer, extracteur électrique, maturateurs.
Prévoir au moins 50m2 pour cette seule activité, car on doit aussi pouvoir y stocker les hausses pleines et travailler avec des personnes en formation.
La miellerie pourra aussi accueillir l’espace pour la production et la mise en forme de la cire locale, ce qui sera fort utile, étant donné que notre abeille ne construit pas (ou quasiment pas) sur la cire du commerce. En dehors des différentes gamelles et passoires, Il faudra pour cet atelier un réchaud, un point d’eau et un gaufrier.
Enfin on aura besoin d’un vestiaire, qui est aussi l’endroit où l’on range les tenues d’apiculteur… et où l’on peut se changer à l’abri des piqûres !
Soit 30 à 40 m2 supplémentaires pour le vestiaire et l’atelier cire.
La miellerie, l’atelier cire et le vestiaire ne sont pas nécessairement cloisonnés entre eux.

La salle de formation théorique doit pouvoir accueillir au minimum une quinzaine de personnes. Sa fonction est à la fois de salle de cours et de salle de réunion.

Un bureau, à dimensionner en fonction du projet final : présence ou non d’un animateur technique, pédagogique, gestion de matériel coopératif, accueil du secrétariat de l’association d’apiculture, d’un futur syndicat apicole ?

L’atelier de menuiserie peut dans un premier temps n’être qu’un espace de stockage et de fabrication « avec les moyens du bord ». Il serait quand même utile pour le futur de réserver l’espace pour un véritable atelier avec quelques machines permettant de fabriquer des ruches, des hausses et des cadres, ainsi que stocker du bois.
Cela est justifié par le cas particulier de Mayotte, où les coûts de transport obligent à être autonome.
Prévoir donc au minimum 50m2 pour cette activité.

La boutique, la salle d’exposition ne constituent pas nécessairement des priorités, et de plus elles peuvent se situer ailleurs qu’au rucher école. En effet, elles sont destinées davantage aux visiteurs extérieurs qu’aux adhérents. Toutefois, si le rucher école devient pour partie un rucher pédagogique, il pourra être intéressant que la salle d’exposition se trouve dans le même espace.
Bien penser à installer ces lieux d’accueil du public le plus loin possible du rucher, afin de limiter les dérangements réciproques.


Parking et accès véhicules : il importe d’installer le parking à l’opposé des ruches, tout en y conservant un accès véhicules, ainsi qu’à l’atelier et à la miellerie.


  1. La sécurisation du site
A Mayotte plus qu’ailleurs, le rucher école devra être protégé contre le cambriolage et le vandalisme. Ainsi on évitera de disposer les ruches juste derrière la clôture, à un jet de pierre…
Par ailleurs le miel, le matériel en inox, les outils, le bois, le matériel de bureau… constituent évidemment des tentations.
Il sera donc important, au moment de choisir le site du futur rucher-école, de prendre en compte la facilité et le coût de sécurisation comme un des critères.


  1. Les moyens humains
Qu’il soit géré par un syndicat d’apiculteurs professionnels, un GDSA, ou encore une associations d’apiculteurs amateurs, aucun rucher école ne peut fonctionner sans reposer sur un important bénévolat, que ce soit pour la partie gestion ou la partie transmission. Dans le monde de l’apiculture, chacun a bénéficié d’un savoir transmis gratuitement par d’autres, apiculteurs, et se doit donc à un moment ou à un autre, de le retransmettre à son tour.
Bien que ces valeurs doivent guider notre projet, elles risquent cependant de vite trouver leurs limites à Mayotte. En effet
-la tâche est très vaste et l’on part presque de zéro, tant au niveau de la connaissance de l’abeille, de l’apiculture ou encore d’un site entièrement à construire
- l’île compte très peu d’apiculteurs confirmés, qui par contre ont à former un très grand nombre apiculteurs débutants
-la mise en place du rucher école, depuis l’installation des ruches jusqu’au suivi technique de l’installation, ne relève pas réellement du bénévolat, mais plutôt d’un projet de développement rural, et non d’un travail de transmission proprement dit.
En conclusion, ce projet ne pourra se réaliser à Mayotte sans une aide extérieure, mais n’aura de sens qu’avec une forte implication des apiculteurs et des apprentis apiculteurs locaux.


mardi 7 février 2017

Au CFPPA du lycée de Coconi: fin de formation pour les agriculteurs apiculteurs

Voici la photo de groupe de la première session des agriculteurs apiculteurs mesure 111:
Ils sont tous repartis à la fin de la formation avec une ruchette kenyane.
L'accompagnement et le suivi de la mise en place de leur rucher se fera en collaboration avec la nouvelle association d'apiculteurs N'GIZI YA NIOSHI.




Création de l'association N'GUZI YA NIOSHI

Voilà une action importante pour la structuration de la filière apicole de Mayotte,
par la création de l'association N'GIZI YA NIOSHI.

Une association était nécessaire, mais elle ne s'est pas faite en un jour.
Il lui fallait une équipe motivée pour faire face aux nombreux défis à relever.

Voici la photo:


les personnes présentes le jour de la création étaient les suivantes:

ASSANI Rakotonirina
PAPY Jean-Pierre
MSAIDIE Ali
DIMASSI Abassi
HACHIME Said
MOINACHE Anekoubou
BACO-SAINDOU Badrani
MDAHOMA Mlanao
ABDOU Abdallah
BUTTOUDIN Alexandre
HAUK Daniel
ISSOUFA Anthoumani
CHAHII Abdallah
MAVOUNA Abdou
MOUSSA Godeau
IBRAHIME Noudhoura

CHANFI Attoumani

Elles on élu:
Président, MDAHOMA Mlanao
Vice Président, MARTINEZ Henri
Secrétaire, PAPY Jean-Pierre
Secrétaire, adjoint,IBRAHIME Noudhoura
Trésorier, BUTTOUDIN Alexandre
Trésorier adjoint, ASSANI Rakotonirina